En participant au débat sur le Brexit, CKS est heureux de publier une série de trois articles, qui explore divers impacts potentiels sur la politique de marchés publics. Un article sera publié chaque semaine.
Le retrait britannique de l'Union européenne a été un élément important du discours sur la chaîne d'approvisionnement. La précision et la planification sont des éléments essentiels à la prospérité des relations transactionnelles en matière d’approvisionnement. Toutes les parties prenantes concernées doivent prendre en compte les changements importants qui menacent de perturber les liens entre le Royaume-Uni et l'Europe. Le marché unique européen garantit que le bloc fonctionne sans frontière intérieure ni obstacle réglementaire à la libre circulation des biens et des services. Par conséquent, un fonctionnement européen intégré et des chaînes d'approvisionnement efficaces sont les fondements des entreprises dans l'ensemble de l'UE. Le Brexit, qu'il soit "hard" ou "soft", menacera l'efficacité et la rentabilité de la chaîne d'approvisionnement et de la stratégie d'approvisionnement. CKS explorera ce que signifie le Brexit pour les entreprises européennes et quels sont les risques, en se concentrant sur quatre éléments commerciaux clés : les normes, le coût, la livraison, l’innovation. Notre analyse se terminera par des conseils aux parties prenantes quant aux modalités commerciales, aux modifications concrètes des politiques et aux opportunités pour les entreprises.
Normes
Après le Brexit, les directives et réglementations de l'UE ne s'appliqueront plus au Royaume-Uni. Cela risque de perturber l'harmonisation des normes entre les entreprises européennes et leurs homologues britanniques. Le principal facteur de ces perturbations serait la suppression de la normalisation européenne, à caractère contraignant, dans la législation britannique et la modification du statut commercial du Royaume-Uni d'un État membre de l'UE à un «Pays Tiers». Les entreprises de l'UE devront plus que probablement adapter leurs logiciels et leurs systèmes de stockage de données existants afin de faciliter cette scission, affectant ainsi les actifs, les passifs et les positions concurrentielles. Dans le cas d'un "No Deal", les normes ne seraient pas reconnues.
Certificats et autorisations
Selon une fiche d'information produite par l'Union européenne [1], si votre entreprise requiert des certificats ou des autorisations officielles délivrés par des parties prenantes ou des organismes de réglementation au Royaume-Uni, par exemple l'autorité de l'aviation civile (CVA) ou l'agence de certification des véhicules (VCA), ceux-ci pourraient ne plus être valables dans l'UE après le Brexit. Des recherches doivent être menées pour identifier les étapes à suivre pour garantir la validité, si possible, entre l'UE et le Royaume-Uni après les modifications de la législation. La fiche d’information souligne l’importance de cet aspect, en particulier «dans le secteur de l’automobile ou celui des dispositifs médicaux », concernant les postes de sécurité technique, les normes environnementales, les produits chimiques et les homologations type. Si aucun accord ne devait être conclu avant le 31 octobre, les enregistrements de produits dans l'UE pourraient perdre leur validité et les entreprises pourraient être confrontées à la charge administrative liée au respect de deux ensembles de normes. Il est vivement recommandé de disposer d'un numéro EORI (Economic Operator Registration and Identification) vous permettant de traiter toutes les procédures douanières lorsque vous échangez des informations avec les administrations douanières. Les candidatures au statut d'opérateur économique agréé (OEA), concept basé sur le partenariat douane-entreprise mis en place par l'Organisation Mondiale des Douanes, sont également encouragées. Ce certificat établit des normes internationalement reconnues entre commerçants.
Protection des données et de la propriété intellectuelle
Sur base de notre expertise, nous pensons que les sociétés basées au Royaume-Uni opérant dans des cadres de données et de confidentialité différents pourraient finir par se voir imposer des pénalités pour violation de protection des données par inadvertance. Nous envisageons également des problèmes hypothétiques liés à l’approvisionnement et au stockage de données s’appliquant à des pays en-dehors de l'UE. En outre, le même problème peut concerner les droits de propriété intellectuelle, ce qui inclut les marques et les licences. Il est prudent de supposer qu'après la procédure officielle du Brexit, les marques commerciales de l'UE (EUTM) ne seront appliquées que dans des circonstances très spécifiques. De plus, en ce qui concerne les logiciels, nous pensons que certains d’entre eux (SI...) pourraient avoir besoin d’être mis à jour, ce qui pourrait poser des problèmes avec les processus actuels. Nous recommandons vivement aux CPO de revoir tous leurs contrats et logiciels existants afin de vérifier si la législation préexistante est suffisamment protégée contre le Brexit. CKS a déjà commencé à assister les entreprises dans cette tâche spécifique.
Coûts
Une situation de "hard" Brexit serait probablement le scénario le plus déconcertant du point de vue des coûts transactionnels, forçant les entreprises européennes et britanniques à réagir à de nouveaux tarifs douaniers, obligeant les autorités douanières à traiter les importations et les exportations de la même manière que les entreprises gèrent actuellement leurs relations commerciales avec des pays situés en-dehors de l'UE, et à s’adapter aux nouvelles lois fiscales. Cela risquerait d'une part de menacer directement la santé financière en modifiant les droits de douane, mais d'autre part indirectement en raison de la charge administrative liée à un besoin d'adaptation rapide à ces nouvelles exigences.
Tarifs douaniers
Les tarifs douaniers introduits suite au Brexit pourraient constituer une menace pour la compétitivité européenne, car l’impact se répercuterait sur la livraison juste à temps, notamment suite à la nature internationale de la chaîne d’approvisionnement aéronautique et / ou automobile, avec plusieurs pièces suscitant différents assemblages.
Dans le cas d'un "No Deal", les livraisons de biens entre l'Union européenne et le Royaume-Uni ne seront plus traitées comme étant effectuées par des membres du même bloc commercial, mais simplement comme des pays continentaux aux procédures douanières extrêmement différentes. Le commerce ne sera donc plus basé sur la réglementation du marché unique et les chaînes de valeur mondiales en subiront les conséquences. Des échanges fondés sur les normes de l’OMC signifieraient que toutes les parties d’une même chaîne logistique subiraient des retards notables dans l'aviation et les flux de données transfrontaliers, appréhendant les répercussions financières d’une telle stagnation.
Il est donc important que les entreprises de l’UE-27 se préparent le plus possible aux retards et à l'incompréhension dans les déclarations douanières en répondant au mieux aux exigences requises dans le cas d’un scénario de "No Deal", en particulier pour celles ayant des fournisseurs britanniques. Une analyse des onéreuses procédures douanières doit être faite à l'avance afin de réduire les chocs financiers dus au manque de préparation. Les entreprises doivent donc faire preuve de souplesse face aux décisions fluctuantes d'approvisionnement mondial afin de s'assurer non seulement que l'arbitrage monétaire est connu à l'avance, mais également que la logistique de leur chaîne d'approvisionnement doit être parfaitement comprise afin que les ressources disponibles ne menacent pas l'harmonie des exigences critiques en matière d’approvisionnement.
La question de la frontière irlandaise est un bon exemple de ce besoin de préparation. En effet, une fois que le Royaume-Uni aura quitté l’Union douanière de l’UE, plus de 250 contrôles de franchissement de routes pourraient être mis en œuvre.
Les acheteurs européens qui collaborent avec des fournisseurs du Royaume-Uni, ou inversement, devront probablement faire face à l'évolution des problèmes liés à la fiscalité dus au Brexit, ce qui entraînera des modifications directes de leur modèle de chaîne d'approvisionnement.
Il est essentiel que les organismes d'achat basés dans l'UE commencent à identifier les vulnérabilités potentielles et à revoir les prix de transfert. En d’autres termes, les CPO devront patienter et s’adapter à un nouveau cadre fiscal, ce qui entraînera sans aucun doute des retards et alourdira les coûts administratifs.
Livraison
L’un des principaux problèmes auxquels les entreprises sont confrontées d'un point de vue plus pratique est la probabilité élevée de retards de livraison dus aux changements de cadre douanier et à la multiplication des processus administratifs. Les entreprises étant def plus en plus sous pression de répondre aux nombreuses demandes de clients exigeant des délais de livraison rapides, des retards transfrontaliers accrus pourraient créer des problèmes majeurs au sein des chaînes d'approvisionnement. Les blocages dans les ports qui affectent le flux de marchandises entrant et sortant du Royaume-Uni engendrent des retards longs et frustrants.
Pour éviter les contrecoups de la part des clients, il est extrêmement important que les entreprises contrôlent minutieusement leurs chaînes d'approvisionnement afin d'identifier les composants les plus vulnérables aux retards, afin que des plans d'urgence puissent être mis en place longtemps à l'avance. Les retards aux frontières séparant le Royaume-Uni et l'Europe pourraient entraîner une saturation du trafic et des retards importants en raison de processus administratifs plus longs et complexes.
Une autre préoccupation liée aux contrôles aux frontières concernerait la capacité douanière à gérer du travail supplémentaire, notamment en ce qui concerne le nombre excessif de déclarations devant passer par les nouveaux systèmes, ce qui ferait que l'administration supplémentaire constituerait un fardeau ingérable et ralentirait donc les processus de la chaîne logistique et la productivité des entreprises.
Innovation
L'un des principaux avantages du commerce au sein du Marché Unique est l'innovation accrue résultant du recrutement de talents internationaux par le biais du mécanisme de la libre circulation des personnes. La gestion de la dotation en personnel à plusieurs niveaux de la chaîne d'approvisionnement pourrait être menacée par l'évolution des exigences en matière de visa et par la mise en place d'un nouveau marché du travail plus restrictif. Les entreprises ont besoin de savoir quels employés, actuels ou potentiels, pourraient être affectés, pour ensuite établir une stratégie efficace. Comprendre les nouvelles exigences en matière de visas, se préparer aux restrictions dans les processus de recrutement et maîtriser la bureaucratie accrue tout en facilitant l'activité des entreprises et en maintenant les emplois à flot, revêt une importance capitale pour les entreprises de l'UE lors de la transition vers le Brexit.
Préparations
CKS estime que si les entreprises mettent en œuvre des audits approfondis pour améliorer leur conformité douanière et leurs procédures en examinant leurs canaux d'approvisionnement longtemps à l'avance, les problèmes de chaîne logistique causés par des problèmes administratifs et logistiques difficiles seront plus faciles à gérer dans le cas d'un Brexit complexe. L’amélioration de l’efficacité et de la productivité au sein de la chaîne logistique B2B est donc essentielle.
CKS recommande à toutes les entreprises européennes qui entretiennent des liens étroits avec la chaîne logistique du Royaume-Uni par l’intermédiaire de fournisseurs de prendre en compte sa propre exposition aux marchés britanniques et la manière dont sa stratégie de développement du marché doit évoluer afin de résoudre efficacement les problèmes de lutte soulevés, tels que les fusions potentielles, la diversification ou les maillons faibles de la chaîne d'approvisionnement et de la base fournisseurs.
CKS conseillerait de procéder à un examen approfondi des investissements futurs au sein du bloc de l'UE afin de supprimer toute complication inutile avec les fournisseurs britanniques, en tenant compte des possibilités liées aux IDE (investissements directs étrangers) dans le marché unique. Une base de données sur les investissements transfrontaliers détenue par le Financial Times[2] montre que le montant des capitaux investis dans l'UE-27 a augmenté de 43% au cours du dernier trimestre de 2019, par rapport aux trois années précédentes. En Espagne en particulier, le nombre d'emplois créés grâce aux investissements étrangers a plus que doublé au cours de cette période de trois ans par rapport aux années précédentes.
Les investissements et les liens d'approvisionnement doivent être analysés afin d'identifier les failles dans la rentabilité et de maximiser le rendement et l'efficacité à travers toutes les potentialités.
CKaS conseille aux entreprises de procéder à des analyses approfondies de la chaîne d'approvisionnement à partir du scénario du pire suite à un Brexit "hard". Cela permettra donc de cartographier les risques potentiels et d'identifier les faiblesses spécifiques de certaines parties de la stratégie d'approvisionnement. Des plans de contingence seront donc élaborés à partir d’audits approfondis, préparant ainsi votre entreprise à une éventuelle perturbation de la chaîne logistique.
[1] - fiche d'information produite par l'Union européenne
[2] - Base de données sur les investissements transfrontaliers détenue par le Financial Times